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- Les bourdes de Thabo
Mbeki, Président de l’Afrique du Sud:
Le
21 février 2003, au Palais des Congrès de Paris, comme lors de
l’ouverture du 22ème sommet France Afrique, devant 52 délégations
africaines dont 45 représentées au niveau de leur chef exécutif, le
secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan parle
exclusivement du Sida.
Sur fond de crise Irakienne et de remodelage du Proche Orient en
lambeau qui se moque de la légitimité de l’ONU, l’insistance
obsessionnelle de Kofi Annan frappe et surprend. La veille, le Ghanéen
avait déjà exhorté les présidents africains à agir. Cette fois au
coté de Jacques Chirac et de Thabo Mbeki, le président Sud Africain,
Kofi Annan revient sur l’épidémie qu’il identifie comme « la
principale cause sous jacente des crises alimentaires ».
Rappelant que, sur un total de 40 millions de personnes infectées du Virus
de l'Immuno-déficience Humaine
(VIH) dans le monde, 29 millions sont des Africains, il prédit que le
sida va déclencher une crise de gouvernance sur le continent noir,
dont les membres les plus productifs, et les mieux formés, sont décimés ».
D’une voix chargée d’émotion, il ajoute « Je vous conjure
de porter une attention plus soutenue à l’extraordinaire
multiplication des orphelins du sida, 11 millions d’enfants abandonnés
à eux même, ils seront 20 millions en 2010 et confrontés au plus
sombre avenir ». Sommant les responsables africains de placer
les femmes (58% des personnes infectées sur le continent) au centre
de ce combat vital, Kofi Annan conclut en réclamant des mesures révolutionnaires
pour sensibiliser les populations et lutter contre les préjugés ».
C’est seulement en prononçant ces derniers mots qu’il se retourne
vers son voisin…., Thabo Mbeki regarde alors droit devant lui mais
le malaise est palpable… ceux qui savent ont compris.
Juin
1999, successeur de Nelson Mandela, Thabo Mbeki, homme cosmopolite,
peut presque se vanter d’être le meilleur représentant de la
nouvelle génération des dirigeants africains. Après avoir quitté
l’Afrique du Sud et le régime de l’apartheid à 32 ans, il fait
de brillante études universitaires en Angleterre, avant de devenir
« le diplomate » de l’ANC en exil. En 1994, il devient
vice président de l’Afrique du Sud et consolide « le
partenariat stratégique » avec les Etats Unis et entre autre,
avec Al Gore, son alter ego. Depuis le sommet des pays les plus
industrialisés au Japon en 2000, Thabo Mbeki est invité à toutes
les réunions du G8 pour parler au nom de l’Afrique, dont il est le
porte parole officiel, en 2002-2003 au titre de président en exercice
de l’Union Africaine.
De
la part d’un homme de telle stature internationale, il a été
d’autant plus surprenant et aberrant qu’il s’entête seul ou
presque, du moins contre le reste du monde, à nier la responsabilité
du VIH dans la transmission du Sida. Pour Thabo Mbeki, il existe un
doute sur l’origine virale de la pandémie africaine, qui serait
imputable selon lui, à la pauvreté, au sous développement et en
dernière instance, à l’injuste « ordre blanc », du
colonialisme à l’impérialisme économique en passant par
l’apartheid.
Le
3 avril 2000, trois mois avant la 13ème conférence
internationale sur le sida, la première a être accueillie par un
pays du tiers monde, précisément, l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki a
écrit une lettre aux grands de ce monde, envoyés à titre personnel
et confidentiel à Bill Clinton, Kofi Annan et plusieurs Chef d’états
Européens. Divulguée par le Washington post, cette missive,
illustration et défense de la spécificité africaine du sida fait
scandale…
A la veille de la
Conférence internationale prévue à Durban, au cœur du Kwazulu
Natal, la province africaine la plus touchée avec une prévalence de
près de 30% parmi les adultes, Thabo Mbeki pouvait-il être l’hôte
d’un rassemblement placé sous le mot d’ordre « Brisons le
silence » ? Accusé de révisionnisme médical, le président
sud Africain a esquivé, donné des gages mais jamais abjuré ses
convictions. Il aura même fallu un procès gagné en avril 2002 par
une ONG sud Africaine (TAC/ Treatment Action Campaing) pour que le
pouvoir judiciaire impose à l’exécutif la fourniture à toutes les
femmes enceintes et séropositives de la nevirapine, un médicament
qui réduit de presque moitié le risque de la transmission
materno-infantile du sida, notamment au moment de l’accouchement
(40% des quelques 70 000 cas en Afrique du Sud). Depuis, ce médicament
bon marché serait (en théorie d’ores et déjà) disponible dans
tous les centres hospitaliers du pays.
Ensuite,
en butte aux critiques de moins en moins voilées de Nelson Mandela et
surtout au lendemain de la première conférence nationale sur le Sida
à Durban ou son refus des antirétroviraux avait été dénoncé
comme un crime contre l’humanité, le gouvernement sud Africain a
promis, pour septembre 2003 au plus tard, un plan d’urgence de mise
a disposition dans les hôpitaux publics de ces médicaments
couramment utilisés dans le monde depuis une dizaine d’années.
Sous la menace d’un campagne de désobéissance civile, le tabou
semblait se lever sur les antirétroviraux et en particulier sur l’AZT
dont Thabo Mbeki avait obstinément soutenu qu’il faisait plus de
mal que de bien, en raison de sa toxicité et de son coût trop élevé
pour en garantir l’accès aux 5 millions de sud africains contaminés.
[Suite...]
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