3
- Autres caractéristiques africaines et croyances fortement répandu
en Afrique Australe :
Le gouvernement
Sud Africain a eu recourt dans ses discours, de façon quasi systématique
à l’argument racial soulignant l’opposition noirs / blancs.
Thabo
Mbéki articule son discours politique autour de « La
renaissance africaine » (idée véhiculée par de nombreux
intellectuels africains des années 20, relayé par Cheikh Anta Diop
dans son désir d’un réveil de «l’Afrique mère» après des siècles
de réclusion, d’obscurantiste et d’humiliation par l’esclavage
et la colonisation. Pour Mbeki, ce retour à soi du continent passe
d’un coté par l’obligation pour ses populations à assumer la
part tragique du passé et de l’autre c’est ce qui va permettre
d’affirmer une légitimité politique, souvent mêlée
d’existentialisme identitaire, à définir son futur. C’est aussi
dans ce cadre que l’Afrique du Sud se fait le porte parole des
peuples africains, à la fois pour en dire l’histoire tragique et
pour en annoncer la régénération attendue. Le sida, à ce titre,
occupe une place centrale parce que le parallèle est régulièrement
fait avec la grande peste de 1348 au Moyen Age qui rendit possible la
Renaissance Européenne … le Sida,
fut-ce de façon morbide, intègre l’Afrique dans le monde. Enfin le
sida en tant que « sida africain » est porteur d’un
label identitaire majeur de l’Afrique.
Les
déclarations proprement incompréhensibles du ministre Sud Africain
de la Santé, Madame Manto
Tshabalala-Msimang, quant à son régime à base d'ail, de citron et
d'huile d'olive définie comme "crucial" dans la lutte
contre le Sida, que la seule distribution d'ARV ne suffit pas, qu'il
faut croire aussi en la médecine traditionnelle.
Puissant
vecteur d’imaginaire et pas seulement en Afrique, (l’hypothèse
occidentale de la transmission virale du singe à l’homme noir
charrie également un lourd bagage de représentation signifiante),
l’idée la plus entendue en Afrique serait que le sida serait une
maladie d’homme blanc s’adonnant a des pratiques zoophiles qui
l’aurait transmise, ensuite au reste du monde. Et si on se souvient
que, au tout début de l’épidémie, quand le SIDA était encore si
nouveau qu’il s’écrivait en majuscule, certains prompts à n’y
voir qu’une conspiration antinataliste de l’Occident, y lisaient
« syndrome pour décourager les africains ». En Afrique du
Sud, au sein même de l'ANC, la thèse d'une conjuration des tenants
de l'Apartheid pour brider la vitalité génésique de la majorité
noire continue a avoir la vie dure et même encore 10 ans après la
fin de l’apartheid, cette idée perdure. Le postulat idéologique du
sida Africain est mortel, pendant trop longtemps on a ignoré que le
taux de transmission était plus élevé en Afrique australe, non pas
en raison de la nature des Hommes Africains, ni en raison de leur
condition d’êtres soumis mais à cause des raisons sociales évoquées
dans le chapitre précédent.
On
peut d’ailleurs rajouter ici que la malaria, première cause de
mortalité en Afrique qui tue chaque jour pas loin de 3000 enfants de
moins de cinq ans n’est pas endiguée parce que l’usage de
moustiquaires imprégnées qui réduisent de 60% sa propagation, ne
rentre pas dans les mœurs africaines. Commercialisées pour 5 euros
(1/3 des dépenses annuelles de santé en Afrique par habitant), ces
moustiquaires ne sont toujours pas exonérées de droits et de taxes
dans 26 pays sur les 47 que compte l’Afrique Subsaharienne…
Notons
également que sur 1393 médicaments nouvellement commercialisés
entre 1975 et 1999, seuls 13 (soit à peine 1%) concernait le
traitement d’une maladie tropicale alors que 17 millions de
personnes (la population des Pays Bas) en meurent chaque année. Les médicaments
sont au Nord, les malades au sud, ce truisme ne vaut pas seulement
pour le Sida….
4
- Conclusion...
Pour
l’Afrique, le sida est la troisième catastrophe démographique, après
l’esclavagisme et la colonisation. Pour sept pays d’Afrique
australe, l’épidémie entraînera des conséquences intolérables.
Le taux de prévalence chez les adultes dépassent les 30 %,
l’espérance de vie reculera en conséquence d’ici 2015 de 17 ans.
Ce qui revient à dire que si le sida n’existait pas elle serait de
64 ans en Afrique Australe mais que revu a la baisse, on ne pourra espérer
que 47 ans au Sud du Continent. Selon une enquête américaine au
Botswana, l’espérance de vie pourrait y descendre à….. 27 ans.
Une
comparaison sous forme de cercles concentriques achève de convaincre
de la gravité du désastre : Selon un rapport des Nations Unies
publié en 2003, les 53 pays les plus touchés au monde accuseront du
fait de la pandémie, un déficit de population qui sera de 139
millions d’habitants en 2015 et de 480 millions en 2050, soit
respectivement 3 et 8 % de leur population… les sept pays d’Afrique
Australe seront privés de 26 millions d’habitants en 2015 et de 77
millions en 2050, soit 19% et 36% de leur population. Au regard de ces
projections, nul ne disconviendra que l’Afrique Australe est au cœur
du problème.
L’épidémie
aura bouleversé les cartes de la mortalité sur l’échiquier
Africain. Les pays en retard il y a dix ou quinze ans comme le Sénégal
et une grande partie de l’Afrique de l’Ouest se retrouvent en tête
des pays ayant une espérance de vie supérieure à 50 ans.
Malgré
sa vitalité démographique, l’Afrique paye un lourd tribut à l’épidémie
du Sida.
Astrid
DeRyckx
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